"C'était il y a très, très, très longtemps. En
ce temps là, il y avait... le ciel.
A droite du ciel, il y avait la planète GIBI; elle était
complètement plate, et elle penchait, soit d'un côté, soit de
l'autre.
A gauche du ciel, il y
avait la planète SHADOK; elle n'avait pas de forme spéciale... ou plutôt... elle
changeait de forme.
Au milieu du
ciel, il y avait la TERRE, qui était ronde et qui bougeait. Sur la Terre, il n'y
avait apparemment rien.
Les Shadoks
et les Gibis en eurent donc assez, au bout d'un certain temps, de vivre sur des
planètes qui ne marchaient pas bien. Alors ils décidèrent, les uns et les
autres, d'aller sur la Terre qui avait l'air de mieux marcher."
Les Shadoks sont de petites bêtes vivantes (merci Mere Noel)
déjà depuis longtemps. Les Shadoks ont un chef qui s'appelle le chef Shadok, un
devin plombier, un marin et un scientifique, le docteur Shadoko. Tout les autres
Shadoks ne font rien de spéciale à part pomper car c'est là leur principe
existentiel : "Je pompe donc je suis".
Au début les Shadoks
pondaient des oeufs ordinaire mais comme ils ont de trop grandes jambes les
oeufs tombaient et se cassaient ce qui rendait les Shadoks très tristes. Ils en
eurent donc assez et décidèrent de pondre des oeufs blindés comme ça il ne
casseraient pas.
Tous vivaient sur une
planète de forme Shadokoide, pour soutenir la planète et éviter qu'elle ne
tombe, il y avait des anti-shadoks qui vivait de l'autre côté, malheureusement
il n'y en avait pas partout et là ou il n'y en avait pas, il n'y avait rien pour
supporter la planète de sorte que ça faisait un trou...
Éduquer les Shadoks, malheureusement, c'était pas chose
facile. Les cerveaux des Shadoks, en effet, avaient une capacité tout à fait
limitée.
Ils ne comportaient en tout que
quatre cases.
Et encore, c'était pas
toujours vrai parce que bien souvent il y en avait de bouchées. Pour remplir les
cases déjà, c'était pas facile et cela prenait un certain temps. C'est alors que
commençait la difficulté parce que, quand les cases étaient pleines, il n'y
avait plus de place et le Shadok, on ne pouvait plus rien lui apprendre. Si on
essayait quand même, alors obligatoirement il y avait une case qui se vidait
pour faire de la place.
De sorte que quand
un Shadok avec une tête pleine voulait apprendre quelque chose, il fallait qu'il
en oublie une autre. EXEMPLE : si un Shadok avait appris à marcher avec une case
et que plus tard il ait appris trois mots avec les trois autres cases, eh bien,
si en plus on voulait lui apprendre à faire du vélo, le Shadok ne savait plus
marcher.
Comme ils n'avaient que quatre
cases, évidemment les Shadoks ne connaissaient pas plus de quatre mots. C'était
: GA, BU, ZO, MEU.
Vous comprendrez donc
facilement qu'il n'y avait pas du tout suffisamment de mots pour toutes les
choses qui existaient et qu'il y avait des quantités de choses qui avaient le
même mot.
Les Gibis
sont de petites bête qui portent un chapeau, ce qui les rend très intelligent.
Ils vivent sur la planète de droite qui, doit on le rappeler est plate, de sorte
qu'elle a tendance à pencher soit d'un côté, soit de l'autre. Donc quand un Gibi
voulait aller d'un côté de la planète un autre Gibi devait, lui, se rendre de
l'autre côté.
Pour aller sur la Terre, les
Gibis ont construit une fusée. Elle fonctionne grâce à un combustible super
puissant, le COSMOGOL 999.
Mais quel est ce
combustible miracle ? D'où les Gibis l'extraient-ils ?
Comme vous le savez, la planète Gibi est plate. Dès que
l'on creuse un trou, on tombe de l'autre côté. Les Gibis ne peuvent donc rien
extraire du sous-sol, sans cela leur planète serait une vraie
passoire.
Les Gibis extraient le Cosmogol
999 de l'atmosphère. Celle-ci est recueillie dans d'énormes entonnoirs à
atmosphère, puis pompée dans des pompes à atmosphère. Par un procédé secret, les
Gibis en extraient le Cosmogol brut, dit Cosmogol de première pression qui, une
fois raffiné, concentré et enrichi, donne le fameux Cosmogol 999 qui propulsera
la fusée Gibi.
Sous la direction du Professeur SHADOKO, les
Shadoks ont construit une fusée interplanétaire.
Elle était munie des derniers perfectionnements techniques
tels que casseroles à retardement, batteurs d'air et tire-bouchons
hypersustentateurs. La seule difficulté, c'est qu'elle ne marchait que d'un
côté: de haut en bas uniquement, car les Shadoks n'avaient pas de carburant
suffisamment puissant.
Alors, pour
subtiliser celui des Gibis, le Cosmogol 999, le Professeur Shadoko avait mis au
point un plan. Nous avons demandé au Professeur lui-même de nous dire deux mots
de ce plan :
"C'est très simple. Pour que
le Cosmogol Gibi vienne chez nous, il suffit que nous le POMPIONS à travers le
cosmos. Et nous le pompons grâce à cette COSMOPOMPE de mon invention d'une
puissance incroyable de trois millions de Shadoks-Vapeur."
C'EST POURQUOI TOUTE LA POPULATION SHADOK...... POMPAIT,
POMPAIT, POMPAIT....
Ils avaient mis au
point des pompes spéciales pour le cas où il n'y avait pas de problèmes du
tout.
Pour ceux que la technique intéresse,
disons que, quand on pompait avec ça, non seulement il ne se passait rien, comme
avec une pompe Shadok ordinaire, mais plus on pompait, plus il n'y avait rien
qui se passait. D'où le fameux adage Shadok: Il vaut mieux pomper même s'il ne
se passe rien que risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant
pas. C'est quand même une sécurité !
Tout d'abord il faut savoir qu'en ce
temps là, l'univers n'était pas si infini que ça, il ne l'était même pas du
tout... en fait il était plutôt rond. De sorte que en partant d'un endroit et en
allant très vite pendant très longtemps, on finissait par retourner de là où on
était parti. Ainsi la plus sûr manière pour aller à un endroit du cosmos c'était
encore de partir de là où on voulait aller, de sorte que en quittant cette
endroit et en allant tout droit, on finirait fatalement par y
retourner.
En fait, leur fusée n'était pas
très, très au point, mais ils avaient calculé qu'elle avait quand même une
chance sur un million de marcher. Et ils se dépêchaient de bien rater les 999
999 premiers essais pour être sûrs que le millionième marche.
Les essais de fusée shadok comportaient plusieurs phases.
D'abord, les techniciens shadoks entonnent le compte à rebours sur un vieil air
d'accordéon. Puis les Shadoks les plus doués pour les mathématiques enfourchent
leur ordinateur à pédales pour calculer la trajectoire. C'étaient eux qui
avaient le plus de mal car les Shadoks avaient entendu dire que plus un
ordinateur va vite, plus il donne de bons résultats. Et c'est celui qui avait
gagné qui avait trouvé la bonne trajectoire. On procédait alors à la mise à feu.
Ça ratait. Et aussitôt après, on recommençait.
Car tel était le premier principe de base de la logique
shadok :
En essayant continuellement, on
finit par réussir
Donc : plus ça rate, plus
on a de chance que ça marche
Le marin Shadok qui regardait ça disait que la
fusée ne partirait jamais.
C'était un
ancien quartier-maître pirate qui avait mal tourné. Contrairement aux gens de
son espèce qui passent généralement leur temps à introduire des petits bateaux
dans une bouteille, lui, il introduisait des bouteilles dans son petit bateau.
Il parlait par maximes et quelquefois même en anglais. C'est lui qui disait, par
exemple :Dans la marine on fait pas grand chose mais on le fait de bonne
heure.
Pour la fusée, il disait que le plus
simple était encore d'aller subtiliser la fusée Gibi. Que lui connaissait le
chemin et que, lui, il irait la subtiliser, lui, et en bateau ! Naturellement,
c'était insensé. Mais comme il était un peu trop souvent... "sous l'influence"
et qu'il constituait un objet de scandale, le Chef shadok lui donna quand même
l'autorisation. En fait, il se disait que c'était un moyen simple et élégant de
s'en débarrasser.
Car de l'eau, dans le
cosmos, il n'y en avait pas tellement, et au bout d'un certain moment, elle
s'arrêtait. Après quoi il n'y avait plus rien, sauf évidemment... le
NÉANT.
La Shadokkaravelle fendait l'espace sous le
commandement de principe du Marin shadok qui, comme à l'ordinaire, était le plus
souvent... "sous l'influence". Si bien que personne en fait ne regardait où on
allait. Mais il disait que dans la Marine, c'était l'usage, et qu'il est
beaucoup plus intéressant de regarder où l'on ne va pas pour la bonne raison
que, là où l'on va, il sera toujours temps d'y regarder quand on y sera; et que,
de toute façon, ça ne sera jamais en fin de compte que de l'eau. Il n'empêche
qu'il fallait faire vite. Car, ajoutait-il : Dans la Marine, quand on sait pas
où l'on va, il faut y aller... et le plus vite possible
Et tout le monde à bord était content. Sauf peut-être ceux
qui étaient spécialisés dans le battage. C'était sur eux qu'on tapait quand le
Marin avait des punitions à distribuer. C'était pénible évidemment, mais c'était
indispensable pour maintenir le moral de l'équipe. Car, disait-il encore : Dans
la Marine, c'est un principe :
Pour qu'il
ait le moins de mécontents possible il faut toujours taper sur les
mêmes
C'est pourquoi il avait formé un corps
spécial, le corps des Shadoks à Claques envers lesquels il faisait très
habituellement preuve de la plus exquise brutalité.
Mais, direz vous, si les Shadoks pouvaient aller en bateau
de la planète Shadok à la planète Gibi, pourquoi n'allaient-ils pas directement
et par le même moyen sur la Terre ?
A cela
il y avait une raison fondamentale qui relevait du principe de base de la
logique Shadok qui disait : Pourquoi faire simple quand on peut faire
compliqué....
Mais aussi pour une loi
cosmologique tout à fait sérieuse, c'est que pour aller sur la Terre, il fallait
monter et que si on avait monté, l'eau aurait tombée...
Les Shadoks, c'est simple n'en
ont aucune... Ainsi il leur est bien difficile de progresser intellectuellement
tant leurs bases sont lacunaires.
Ainsi ne
possédant que quatre mots il ne peuvent compter que jusqu'à quatre, de plus ils
sont persuadés qu'une ligne droite est le chemin le plus long entre deux
points... Heureusement, une fois arrivé sur Terre le professeur Shadoko entama
une série de réforme, à commencer par celle du calcul:
Quand il n'y a pas de Shadok, on dit GA et on
écrit : 0
Quand il y a un Shadok de plus,
on dit BU et on écrit : l
Quand il y a
encore un Shadok, on dit ZO et on écrit : L
Et quand il y en a encore un autre, on dit MEU et on écrit
:
Tout le monde applaudissait très fort et trouvait ça génial
sauf le Devin Plombier qui disait qu'on n'avait pas idée d'inculquer à des
enfants des bêtises pareilles et que Shadoko, il fallait le condamner. Il fut
très applaudi aussi. Les mathématiques, cela les intéressait, bien sûr, mais
brûler le professeur, c'était intéressant aussi, faut dire. Il fut décidé à
l'unanimité qu'on le laisserait parler et qu'on le brûlerait après, à la
récréation.
Répétez avec moi : MEU ZO BU GA... GA BU ZO
MEU.
- Et après ! ricanait le
Plombier.
- Si je mets un Shadok en plus,
évidemment, je n'ai plus assez de mots pour les compter, alors c'est très simple
: on les jette dans une poubelle, et je dis que j'ai BU poubelle. Et pour ne pas
confondre avec le BU du début, je dis qu'il n'y a pas de Shadok à côté de la
poubelle et j'écris BU GA. BU Shadok à côté de la poubelle: BU BU. Un autre : BU
ZO. Encore un autre : BU MEU. On continue. ZO poubelles et pas de Shadok à côté
: ZO GA... etc.
MEU poubelles et MEU Shadoks à côté : MEU MEU. Arrivé là, si je mets un Shadok en plus, il me faut une autre poubelle. Mais comme je n'ai plus de mots pour compter les poubelles, je m'en débarrasse en les jetant dans une grande poubelle. J'écris BU grande poubelle avec pas de petite poubelle et pas de Shadok à côté: BU GA GA, et on continue... BU GA BU, BU GA ZO... MEU MEU ZO, MEU MEU MEU.
Quand on arrive là et qu'on a trop de grandes
poubelles pour pouvoir les compter, eh bien, on les met dans une super poubelle,
on écrit BU GA GA GA, et on continue....
0n appelle passoire tout instrument sur
lequel on peut définir trois sous-ensembles: l'intérieur, l'extérieur, et les
trous. L'intérieur est généralement placé au-dessus de l'extérieur et se compose
le plus souvent de nouilles et d'eau. Les trous ne sont pas importants. En
effet, une expérience simple permet de se rendre compte que l'on ne change pas
notablement les qualités de l'instrument en réduisant de moitié le nombre des
trous, puis en réduisant cette moitié de moitié... etc... etc... et à la limite
jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de trous du tout.
D'où théorème :
La notion de passoire est indépendante de la notion de trou et
réciproquement.
On appelle passoires du
Premier Ordre les passoires qui ne laissent passer Ni les nouilles Ni l'eau. On
appelle passoires du Second Ordre les passoires qui laissent passer ET les
nouilles ET l'eau. On appelle passoires du Troisième Ordre, ou passoires
complexes, les passoires qui laissent passer quelquefois l'un ou l'autre et
quelquefois pas. Pour qu'une passoire complexe laisse passer l'eau et pas les
nouilles, il faut et il suffit que le diamètre des trous soit notablement
inférieur au diamètre des nouilles. Pour qu'une passoire complexe laisse passer
les nouilles et pas l'eau, il faut et il suffit que le diamètre des trous soit
notablement inférieur au diamètre de l'eau. Quant aux passoires du premier ordre
qui ne laissent passer ni les nouilles ni l'eau, il y en a de deux sortes. Les
passoires qui ne laissent passer ni les nouilles ni l'eau ni dans un sens ni
dans l'autre et celles qui ne laissent passer ni les nouilles ni l'eau que dans
un sens seulement. Ces passoires là, on les appelle des
casseroles.
Il y a trois sortes de
casseroles : Les casseroles avec la queue à droite, les casseroles avec la queue
à gauche, et les casseroles avec pas de queue du tout. Mais celles là on les
appelle des autobus.
Il y a trois sortes
d'autobus : les autobus qui marchent à droite, les autobus qui marchent à gauche
et les autobus qui ne marchent ni d'un côté ni de l'autre. Mais ceux là, on les
appelle des casseroles.
Il y a trois sortes
de casseroles : les casseroles...
Médecine : "Le malade officiel Shadok
partait tous les matins à la Sorbonne. Sous la direction du Grand Intelligent
Général, on le démontait soigneusement pour voir comment il était fait dedans.
Il prenait son métier tellement au sérieux que quand il n'était pas malade, il
trouvait qu'il n'était pas bien dans sa peau. De sorte qu'en plus des maladies
qu'on lui faisait attraper pendant la journée, il en emportait des
supplémentaires pour attraper le soir, chez lui."
Circulation : "Chez les Shadoks, il n'y avait qu'une route, et elle était à sens unique dans les deux sens. De sorte que, Dieu merci, il n'y avait pas trop d'accidents de LA route. Plus tard, pour plus de sécurité, elle fut mise à double sens unique bilatéral dans tous les sens."
Loisirs : "Au programme de la psychocybernétique
différentielle et désintégrale, la mécanique adéquantique déondulatoire et
permanente, l'épistémologie neurologique casuistique et gastrique, la
télépathologie et les tomatocommunications de masse. Sans parler des arts et
techniques libido-sexographiques, et j'en passe. Programme culturel assez chargé
quand on connaît, comme vous et moi, les incapacités cérébrales naturelles de
ces malheureuses bêtes. Mais ils avaient confiance, vous comprenez, parce qu'on
leur avait maintes fois répété : la culture, c'est ce qui reste quand on a tout
oublié. Et pour ce qui était d'oublier, alors là, ils étaient doués [...] Quand
par maladresse, paresse ou inadvertance, le Shadok, dans un moment d'oubli en
quelque sorte, se souvenait de quelque chose, l'antimémoire rappliquait
dare-dare."Antimémoire : "Car vous comprenez, comme les
Shadoks n'avaient pas de mémoire personnelle, c'est lui qu'ils allaient voir
pour savoir ce qu'ils avaient fait la veille. "Que faisais-je hier ?", demandait
le Shadok. "Mais, vous pompiez, mon cher". Comme personne ne pouvait prouver le
contraire, on lui faisait confiance."