Les Shadoks

"C'était il y a très, très, très longtemps. En ce temps là, il y avait... le ciel.
A droite du ciel, il y avait la planète GIBI; elle était complètement plate, et elle penchait, soit d'un côté, soit de l'autre.
A gauche du ciel, il y avait la planète SHADOK; elle n'avait pas de forme spéciale... ou plutôt... elle changeait de forme.
Au milieu du ciel, il y avait la TERRE, qui était ronde et qui bougeait. Sur la Terre, il n'y avait apparemment rien.
Les Shadoks et les Gibis en eurent donc assez, au bout d'un certain temps, de vivre sur des planètes qui ne marchaient pas bien. Alors ils décidèrent, les uns et les autres, d'aller sur la Terre qui avait l'air de mieux marcher."

Jacques Rouxel
Ce texte de Jacques Rouxel dit par Claude Piéplu fut entendu pour la première fois le 29 Avril 1968 à 20h30 sur l'ORTF, les Shadoks viennent de naître...
Série déjantée à l'humour franchement décalé, elle fit beaucoup de vague à son époque au point même de se voir retiré de l'antenne le 13 mai après une avalanche de lettres de protestation de téléspectateurs indignés par de tels bêtises. Sa programmation ne reprit qu'au mois de septembre après engagement des Shadoks d'élever le niveau intellectuel de leur dessin animé.

Les devises Shadoks

  • Qu'est ce qu'un Shadok ?
  • Qu'est ce qu'un Gibi ?
  • Que faisaient les Shadoks ?
  • La cosmologie
  • La logique Shadok
  • Le principe de la passoire
  • D'autres principes

    Qu'est ce qu'un Shadok ?

    Les Shadoks sont de petites bêtes vivantes (merci Mere Noel) déjà depuis longtemps. Les Shadoks ont un chef qui s'appelle le chef Shadok, un devin plombier, un marin et un scientifique, le docteur Shadoko. Tout les autres Shadoks ne font rien de spéciale à part pomper car c'est là leur principe existentiel : "Je pompe donc je suis".
    Au début les Shadoks pondaient des oeufs ordinaire mais comme ils ont de trop grandes jambes les oeufs tombaient et se cassaient ce qui rendait les Shadoks très tristes. Ils en eurent donc assez et décidèrent de pondre des oeufs blindés comme ça il ne casseraient pas.
    Tous vivaient sur une planète de forme Shadokoide, pour soutenir la planète et éviter qu'elle ne tombe, il y avait des anti-shadoks qui vivait de l'autre côté, malheureusement il n'y en avait pas partout et là ou il n'y en avait pas, il n'y avait rien pour supporter la planète de sorte que ça faisait un trou...
    Éduquer les Shadoks, malheureusement, c'était pas chose facile. Les cerveaux des Shadoks, en effet, avaient une capacité tout à fait limitée.
    Ils ne comportaient en tout que quatre cases.
    Et encore, c'était pas toujours vrai parce que bien souvent il y en avait de bouchées. Pour remplir les cases déjà, c'était pas facile et cela prenait un certain temps. C'est alors que commençait la difficulté parce que, quand les cases étaient pleines, il n'y avait plus de place et le Shadok, on ne pouvait plus rien lui apprendre. Si on essayait quand même, alors obligatoirement il y avait une case qui se vidait pour faire de la place.
    De sorte que quand un Shadok avec une tête pleine voulait apprendre quelque chose, il fallait qu'il en oublie une autre. EXEMPLE : si un Shadok avait appris à marcher avec une case et que plus tard il ait appris trois mots avec les trois autres cases, eh bien, si en plus on voulait lui apprendre à faire du vélo, le Shadok ne savait plus marcher.
    Comme ils n'avaient que quatre cases, évidemment les Shadoks ne connaissaient pas plus de quatre mots. C'était : GA, BU, ZO, MEU.
    Vous comprendrez donc facilement qu'il n'y avait pas du tout suffisamment de mots pour toutes les choses qui existaient et qu'il y avait des quantités de choses qui avaient le même mot.

    Qu'est-ce qu'un Gibi ?

    Les Gibis sont de petites bête qui portent un chapeau, ce qui les rend très intelligent. Ils vivent sur la planète de droite qui, doit on le rappeler est plate, de sorte qu'elle a tendance à pencher soit d'un côté, soit de l'autre. Donc quand un Gibi voulait aller d'un côté de la planète un autre Gibi devait, lui, se rendre de l'autre côté.
    Pour aller sur la Terre, les Gibis ont construit une fusée. Elle fonctionne grâce à un combustible super puissant, le COSMOGOL 999.
    Mais quel est ce combustible miracle ? D'où les Gibis l'extraient-ils ?
    Comme vous le savez, la planète Gibi est plate. Dès que l'on creuse un trou, on tombe de l'autre côté. Les Gibis ne peuvent donc rien extraire du sous-sol, sans cela leur planète serait une vraie passoire.
    Les Gibis extraient le Cosmogol 999 de l'atmosphère. Celle-ci est recueillie dans d'énormes entonnoirs à atmosphère, puis pompée dans des pompes à atmosphère. Par un procédé secret, les Gibis en extraient le Cosmogol brut, dit Cosmogol de première pression qui, une fois raffiné, concentré et enrichi, donne le fameux Cosmogol 999 qui propulsera la fusée Gibi.

    Que faisaient les Shadoks ?

    Sous la direction du Professeur SHADOKO, les Shadoks ont construit une fusée interplanétaire.
    Elle était munie des derniers perfectionnements techniques tels que casseroles à retardement, batteurs d'air et tire-bouchons hypersustentateurs. La seule difficulté, c'est qu'elle ne marchait que d'un côté: de haut en bas uniquement, car les Shadoks n'avaient pas de carburant suffisamment puissant.
    Alors, pour subtiliser celui des Gibis, le Cosmogol 999, le Professeur Shadoko avait mis au point un plan. Nous avons demandé au Professeur lui-même de nous dire deux mots de ce plan :
    "C'est très simple. Pour que le Cosmogol Gibi vienne chez nous, il suffit que nous le POMPIONS à travers le cosmos. Et nous le pompons grâce à cette COSMOPOMPE de mon invention d'une puissance incroyable de trois millions de Shadoks-Vapeur."
    C'EST POURQUOI TOUTE LA POPULATION SHADOK...... POMPAIT, POMPAIT, POMPAIT....
    Ils avaient mis au point des pompes spéciales pour le cas où il n'y avait pas de problèmes du tout.
    Pour ceux que la technique intéresse, disons que, quand on pompait avec ça, non seulement il ne se passait rien, comme avec une pompe Shadok ordinaire, mais plus on pompait, plus il n'y avait rien qui se passait. D'où le fameux adage Shadok: Il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien que risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas. C'est quand même une sécurité !
     

    La cosmologie Shadok.

    Tout d'abord il faut savoir qu'en ce temps là, l'univers n'était pas si infini que ça, il ne l'était même pas du tout... en fait il était plutôt rond. De sorte que en partant d'un endroit et en allant très vite pendant très longtemps, on finissait par retourner de là où on était parti. Ainsi la plus sûr manière pour aller à un endroit du cosmos c'était encore de partir de là où on voulait aller, de sorte que en quittant cette endroit et en allant tout droit, on finirait fatalement par y retourner.
    En fait, leur fusée n'était pas très, très au point, mais ils avaient calculé qu'elle avait quand même une chance sur un million de marcher. Et ils se dépêchaient de bien rater les 999 999 premiers essais pour être sûrs que le millionième marche.
    Les essais de fusée shadok comportaient plusieurs phases. D'abord, les techniciens shadoks entonnent le compte à rebours sur un vieil air d'accordéon. Puis les Shadoks les plus doués pour les mathématiques enfourchent leur ordinateur à pédales pour calculer la trajectoire. C'étaient eux qui avaient le plus de mal car les Shadoks avaient entendu dire que plus un ordinateur va vite, plus il donne de bons résultats. Et c'est celui qui avait gagné qui avait trouvé la bonne trajectoire. On procédait alors à la mise à feu. Ça ratait. Et aussitôt après, on recommençait.
    Car tel était le premier principe de base de la logique shadok :
    En essayant continuellement, on finit par réussir
    Donc : plus ça rate, plus on a de chance que ça marche

    Le marin Shadok qui regardait ça disait que la fusée ne partirait jamais.
    C'était un ancien quartier-maître pirate qui avait mal tourné. Contrairement aux gens de son espèce qui passent généralement leur temps à introduire des petits bateaux dans une bouteille, lui, il introduisait des bouteilles dans son petit bateau. Il parlait par maximes et quelquefois même en anglais. C'est lui qui disait, par exemple :Dans la marine on fait pas grand chose mais on le fait de bonne heure.
    Pour la fusée, il disait que le plus simple était encore d'aller subtiliser la fusée Gibi. Que lui connaissait le chemin et que, lui, il irait la subtiliser, lui, et en bateau ! Naturellement, c'était insensé. Mais comme il était un peu trop souvent... "sous l'influence" et qu'il constituait un objet de scandale, le Chef shadok lui donna quand même l'autorisation. En fait, il se disait que c'était un moyen simple et élégant de s'en débarrasser.
    Car de l'eau, dans le cosmos, il n'y en avait pas tellement, et au bout d'un certain moment, elle s'arrêtait. Après quoi il n'y avait plus rien, sauf évidemment... le NÉANT.

    La Shadokkaravelle fendait l'espace sous le commandement de principe du Marin shadok qui, comme à l'ordinaire, était le plus souvent... "sous l'influence". Si bien que personne en fait ne regardait où on allait. Mais il disait que dans la Marine, c'était l'usage, et qu'il est beaucoup plus intéressant de regarder où l'on ne va pas pour la bonne raison que, là où l'on va, il sera toujours temps d'y regarder quand on y sera; et que, de toute façon, ça ne sera jamais en fin de compte que de l'eau. Il n'empêche qu'il fallait faire vite. Car, ajoutait-il : Dans la Marine, quand on sait pas où l'on va, il faut y aller... et le plus vite possible
    Et tout le monde à bord était content. Sauf peut-être ceux qui étaient spécialisés dans le battage. C'était sur eux qu'on tapait quand le Marin avait des punitions à distribuer. C'était pénible évidemment, mais c'était indispensable pour maintenir le moral de l'équipe. Car, disait-il encore : Dans la Marine, c'est un principe :
    Pour qu'il ait le moins de mécontents possible il faut toujours taper sur les mêmes

    C'est pourquoi il avait formé un corps spécial, le corps des Shadoks à Claques envers lesquels il faisait très habituellement preuve de la plus exquise brutalité.
    Mais, direz vous, si les Shadoks pouvaient aller en bateau de la planète Shadok à la planète Gibi, pourquoi n'allaient-ils pas directement et par le même moyen sur la Terre ?
    A cela il y avait une raison fondamentale qui relevait du principe de base de la logique Shadok qui disait : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué....
    Mais aussi pour une loi cosmologique tout à fait sérieuse, c'est que pour aller sur la Terre, il fallait monter et que si on avait monté, l'eau aurait tombée...

    La logique Shadok

    Les Shadoks, c'est simple n'en ont aucune... Ainsi il leur est bien difficile de progresser intellectuellement tant leurs bases sont lacunaires.
    Ainsi ne possédant que quatre mots il ne peuvent compter que jusqu'à quatre, de plus ils sont persuadés qu'une ligne droite est le chemin le plus long entre deux points... Heureusement, une fois arrivé sur Terre le professeur Shadoko entama une série de réforme, à commencer par celle du calcul:

    Quand il n'y a pas de Shadok, on dit GA et on écrit : 0
    Quand il y a un Shadok de plus, on dit BU et on écrit : l
    Quand il y a encore un Shadok, on dit ZO et on écrit : L
    Et quand il y en a encore un autre, on dit MEU et on écrit :
    Tout le monde applaudissait très fort et trouvait ça génial sauf le Devin Plombier qui disait qu'on n'avait pas idée d'inculquer à des enfants des bêtises pareilles et que Shadoko, il fallait le condamner. Il fut très applaudi aussi. Les mathématiques, cela les intéressait, bien sûr, mais brûler le professeur, c'était intéressant aussi, faut dire. Il fut décidé à l'unanimité qu'on le laisserait parler et qu'on le brûlerait après, à la récréation.

    Répétez avec moi : MEU ZO BU GA... GA BU ZO MEU.
    - Et après ! ricanait le Plombier.
    - Si je mets un Shadok en plus, évidemment, je n'ai plus assez de mots pour les compter, alors c'est très simple : on les jette dans une poubelle, et je dis que j'ai BU poubelle. Et pour ne pas confondre avec le BU du début, je dis qu'il n'y a pas de Shadok à côté de la poubelle et j'écris BU GA. BU Shadok à côté de la poubelle: BU BU. Un autre : BU ZO. Encore un autre : BU MEU. On continue. ZO poubelles et pas de Shadok à côté : ZO GA... etc.

    MEU poubelles et MEU Shadoks à côté : MEU MEU. Arrivé là, si je mets un Shadok en plus, il me faut une autre poubelle. Mais comme je n'ai plus de mots pour compter les poubelles, je m'en débarrasse en les jetant dans une grande poubelle. J'écris BU grande poubelle avec pas de petite poubelle et pas de Shadok à côté: BU GA GA, et on continue... BU GA BU, BU GA ZO... MEU MEU ZO, MEU MEU MEU.

    Quand on arrive là et qu'on a trop de grandes poubelles pour pouvoir les compter, eh bien, on les met dans une super poubelle, on écrit BU GA GA GA, et on continue....
     
     

    Le principe de la passoire

    0n appelle passoire tout instrument sur lequel on peut définir trois sous-ensembles: l'intérieur, l'extérieur, et les trous. L'intérieur est généralement placé au-dessus de l'extérieur et se compose le plus souvent de nouilles et d'eau. Les trous ne sont pas importants. En effet, une expérience simple permet de se rendre compte que l'on ne change pas notablement les qualités de l'instrument en réduisant de moitié le nombre des trous, puis en réduisant cette moitié de moitié... etc... etc... et à la limite jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de trous du tout.
    D'où théorème :
    La notion de passoire est indépendante de la notion de trou et réciproquement.
    On appelle passoires du Premier Ordre les passoires qui ne laissent passer Ni les nouilles Ni l'eau. On appelle passoires du Second Ordre les passoires qui laissent passer ET les nouilles ET l'eau. On appelle passoires du Troisième Ordre, ou passoires complexes, les passoires qui laissent passer quelquefois l'un ou l'autre et quelquefois pas. Pour qu'une passoire complexe laisse passer l'eau et pas les nouilles, il faut et il suffit que le diamètre des trous soit notablement inférieur au diamètre des nouilles. Pour qu'une passoire complexe laisse passer les nouilles et pas l'eau, il faut et il suffit que le diamètre des trous soit notablement inférieur au diamètre de l'eau. Quant aux passoires du premier ordre qui ne laissent passer ni les nouilles ni l'eau, il y en a de deux sortes. Les passoires qui ne laissent passer ni les nouilles ni l'eau ni dans un sens ni dans l'autre et celles qui ne laissent passer ni les nouilles ni l'eau que dans un sens seulement. Ces passoires là, on les appelle des casseroles.
    Il y a trois sortes de casseroles : Les casseroles avec la queue à droite, les casseroles avec la queue à gauche, et les casseroles avec pas de queue du tout. Mais celles là on les appelle des autobus.
    Il y a trois sortes d'autobus : les autobus qui marchent à droite, les autobus qui marchent à gauche et les autobus qui ne marchent ni d'un côté ni de l'autre. Mais ceux là, on les appelle des casseroles.
    Il y a trois sortes de casseroles : les casseroles...

    Quelques autres principes Shadokoides:

    Médecine : "Le malade officiel Shadok partait tous les matins à la Sorbonne. Sous la direction du Grand Intelligent Général, on le démontait soigneusement pour voir comment il était fait dedans. Il prenait son métier tellement au sérieux que quand il n'était pas malade, il trouvait qu'il n'était pas bien dans sa peau. De sorte qu'en plus des maladies qu'on lui faisait attraper pendant la journée, il en emportait des supplémentaires pour attraper le soir, chez lui."

    Circulation : "Chez les Shadoks, il n'y avait qu'une route, et elle était à sens unique dans les deux sens. De sorte que, Dieu merci, il n'y avait pas trop d'accidents de LA route. Plus tard, pour plus de sécurité, elle fut mise à double sens unique bilatéral dans tous les sens."

    Loisirs : "Au programme de la psychocybernétique différentielle et désintégrale, la mécanique adéquantique déondulatoire et permanente, l'épistémologie neurologique casuistique et gastrique, la télépathologie et les tomatocommunications de masse. Sans parler des arts et techniques libido-sexographiques, et j'en passe. Programme culturel assez chargé quand on connaît, comme vous et moi, les incapacités cérébrales naturelles de ces malheureuses bêtes. Mais ils avaient confiance, vous comprenez, parce qu'on leur avait maintes fois répété : la culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié. Et pour ce qui était d'oublier, alors là, ils étaient doués [...] Quand par maladresse, paresse ou inadvertance, le Shadok, dans un moment d'oubli en quelque sorte, se souvenait de quelque chose, l'antimémoire rappliquait dare-dare."
    Antimémoire : "Car vous comprenez, comme les Shadoks n'avaient pas de mémoire personnelle, c'est lui qu'ils allaient voir pour savoir ce qu'ils avaient fait la veille. "Que faisais-je hier ?", demandait le Shadok. "Mais, vous pompiez, mon cher". Comme personne ne pouvait prouver le contraire, on lui faisait confiance."